Il s’agit de mon frère. Il a une vie très occupée car il fait du théâtre en dehors de son travail. La crise, comme pour beaucoup de monde, a chamboulé ses projets. Au début de la crise, il envoyait des centaines de messages à ses amis dans le monde entier. Pendant le premier confinement, il passait des heures au téléphone à prendre des nouvelles de la famille et de ses connaissances en Chine, aux États-Unis, à Milan, en Colombie, au Mexique, au Chili, à l’Ile Maurice, en Inde… et dans toute l’Europe. Il faisait les courses pour les personnes à risque afin qu’elles ne courent pas de dangers en sortant de chez elles. Il est allé jusqu’à proposer son aide sur les réseaux sociaux, afin d’offrir des repas aux personnes en difficultés. Tout ça en gérant son travail à distance. Comme il travaille avec le service du personnel de son administration, il devait aider ses collègues à s’acclimater aux changements que nous traversions. Il a repris le théâtre début octobre 2020. Après seulement deux représentations, il y a eu un cluster dans sa troupe. Dès qu’il a ressenti les premiers symptômes, il s’est isolé et a fait chambre à part pour ne pas contaminer son épouse et sa fille. Il n’a fait qu’une seule sortie, seul, pour aller aider son futur voisin à débroussailler son terrain afin qu’il n’ait pas d’ennuis avec la commune, en prévenant du risque de son état et en restant à large distance à l’extérieur. Il débroussaillait alors qu’il toussait et qu’il avait de la fièvre. Il lui a fallu deux semaines pour avoir son résultat positif vu le manque de tests à l’époque. Il n’a pas pris congé, il a continué à s’occuper de ses collègues alors qu’il était très malade. Il disait qu’il était de toute façon coincé dans la chambre d’ami et qu’il préférait s’occuper. Il a entendu l’appel des hôpitaux à la recherche de bénévoles et a contacté les hôpitaux de sa région pour proposer son aide. Il est allé une à deux fois par semaine aider comme bénévole au Mont Légia en novembre et décembre. Il s’occupait de récupérer les blouses des médecins et infirmiers dans les salles covid et de les nettoyer pour qu’ils puissent les réutiliser. Il en a parlé à très peu de monde, il ne s’est pas venté sur les réseaux sociaux. On avait peur pour lui, mais il disait qu’il avait des anticorps et qu’il faisait attention. Il faisait tout ça sur ses congés. Comme donner son plasma. Il a fait près de 15 dons en 4 mois. Les veines de ses deux bras étaient abîmées mais il ne voulait pas arrêter de donner car son plasma pouvait aider les personnes aux soins intensifs. Il ne s’est arrêté que quand une infirmière a compris qu’il souffrait pendant le don et qu’il ne voulait rien dire. Elle l’a convaincu d’arrêter le temps que ses veines se reposent. Puis il s’est inscrit sur la liste des bénévoles pour conduire les personnes à mobilité réduite aux centres de vaccination. Je ne pense pas qu’il ait pu le faire souvent mais je sais qu’il l’a fait une ou deux fois et qu’il a refusé que la commune indemnise pour ses kilomètres. Quand je lui demande pourquoi il fait tout ça, il me répond que c’est ça façon à lui de survivre à cette crise. Le manque de vie sociale le déprime tellement qu’en se rendant utile il en retrouve un peu et surtout il amène sa pierre à l’édifice pour que nous nous en sortions plus vite. Je voulais le mettre à l’honneur parce que je suis fier de lui.